Deux du Welz sinon rien
d’ Alain Lorfèvre
(Mis en ligne le 16/11/2011 dans la Libre Belgique)
Excellente nouvelle pour Fabrice du Welz, l’un de nos réalisateurs les plus originaux et les plus audacieux : le projet “Colt 45”, qui couve depuis quelque temps, va se concrétiser début 2012. Et, une fois n’est pas coutume, on apprenait lundi que son prochain film, “Alleluia”, se tournerait dans la foulée durant le prochain été. De quoi réjouir ses nombreux fans, qui ont déjà fait de ses précédents “Calvaire” (2004) et “Vinyan” (2008) des films cultes.
Après le “survival” et le fantastique, le grand amateur de cinéma de genre qu’est du Welz va aborder le polar – un de ses grands fantasmes de réalisateur cinéphile. Comme il nous l’a expliqué, “”Colt 45” est l’histoire d’un jeune armurier, Vincent Miles, un “Mozart des armes”, travaillant pour la police française. Il va devoir lutter contre ses pulsions de mort. Le film raconte sa descente irréversible vers le côté obscur.” Le jeune homme cache aussi une blessure, lié à son père, ancien agent du GIGN. Ce qui fait dire avec humour au réalisateur qu’il y a de l’Anakin Skywalker dans le personnage principal de son prochain film.
Le projet lui a été amené il y a environ dix-huit mois par La Petite Reine, la société de production du Français Thomas Langmann (l’un des plus importants producteurs hexagonaux : “Astérix et les Jeux olympiques”, “La Nouvelle Guerre des boutons”). “J’en reçois beaucoup, et ils me plaisent rarement”, précise le réalisateur, qui écrit ses scénarios lui-même. “Mais j’ai trouvé ce scénario fascinant.” Son auteur, Fathi Beddiar, est un ancien critique cinéma (il a notamment travaillé pour la revue “Mad Movies”). La version reçue par du Welz faisait néanmoins 180 pages – soit un film de près de trois heures. “Nous avons passé beaucoup de temps à retravailler le scénario pour arriver à un script dense, assez fouillé.” Surtout, souligne le réalisateur, les personnages sont “riches et complexes“, le film ayant, selon ses dires, “un potentiel à la fois critique et populaire”.
Dans la figure du jeune armurier “Mozart des armes”, et à son prénom, Vincent, on peut deviner où pointent les regards du réalisateur et du scénariste : vers le polar américain “des années 70 et 80 comme on l’aime” et, plus précisément, Michael Mann – dont Fabrice du Welz est grand amateur affiché. De quoi prédire un film dans la veine de “Collateral” ou “Heat”, “loin des sentiers battus du polar français”, à la fois musclé et centré sur ses protagonistes. Le rôle principal sera tenu par un jeune acteur français inconnu, Ymanol Perset. Pour le soutenir, “Colt 45” aligne Gérard Lanvin, Simon Abkarian et Joey Starr. Fabrice du Welz retrouvera sur ce tournage son chef opérateur attitré, le Belge Benoît Debie.
Après “Colt 45”, qui sera tourné entièrement à Paris, du Welz reviendra en terre wallonne avec “Alleluia”, un projet qu’il a coécrit avec Vincent Tavier, qui en sera aussi le producteur. Des retrouvailles, puisque Tavier avait produit avec ses partenaires de La Parti le premier long métrage du réalisateur, “Calvaire”. Ce film dans lequel joueront Bouli Lanners et Jeanne Balibar entretient d’ailleurs un léger lien narratif avec “Alleluia”. “Ce sont des histoires parallèles”, précise Fabrice du Welz. “Ceux qui ont vu “Calvaire” identifieront les connexions.”
Le réalisateur mûrit d’ailleurs un troisième film ardennais, dans la même veine. Plus fondamentalement, “Alleluia”, qui s’annonce comme une autre œuvre extrême du réalisateur, est “une libre adaptation des “Tueurs de la lune de miel””, film-culte de Leonard Kastle, datant de 1970, inspiré de l’histoire authentique d’un couple de serial-killers américains. Le projet a bouclé son financement, avec le soutien notamment du Centre du cinéma et de l’audiovisuel de la Communauté française et de Wallimage. On pourrait également retrouver au casting Virginie Efira, qui a manifesté son intérêt pour le scénario.
Dans un cas comme dans l’autre, on devine à l’écouter que Fabrice du Welz travaillera une fois de plus avec ses tripes – en cherchant à prendre le spectateur aux siennes.