On marche vite, la tête en l’air ou les yeux roulant au rythme tyrannique de la valise vers le train soupirant. On marche au-devant de nous, rapide entre deux pays calmes. Nous aurons, une fois assis, une sensation éclair de surdité. Mais la mémoire des annonces, des mots qui fuient nous titille. Et je ressens comme l’envie de m’arrêter. De considérer les mille couloirs comme un lieu fixe, les mille gares en une seule. Ce que ça donne: l’infinie répétition des mêmes gestes, des mêmes sons, puis la découverte d’une certaine lenteur. La lenteur des sans-mouvement, des paresseux de la gare, de ceux qui n’entrent ni ne sortent de cet endroit où l’on ne fait qu’entrer et sortir. Des créateurs du lieu. J’ai la chance d’y voir du haut de mon perchoir sonore des danseurs, qui dansent dans le sens inverse de la ronde. Ce sont les blasés des annonces, auxquelles ils ne trouvent plus aucun sens. Ceux à qui il fallut apporter un piano pour satisfaire leur appétit d’existence. Ceux qui font chanter la gare, elle qui siffle d’habitude. Puis je découvre d’autres habitants, des visages marqués, des habitants aux allures de premiers hommes. Ceux pour qui la gare est lieu d’attente le jour, et devient traîtresse la nuit. Ils rêvent d’immobilité, que la gare enfin soit le pic solide en mer agitée, qu’elle ne soit plus le flou des photographes. Vision grotesque voire incompréhensible pour celui qui ne fait que passer, celui à la tête haute. C’est à ce moment que la nuit intervient, quand elle pousse dehors les visages pâles. Alors pour comprendre, il faut sortir.
Réalisé par Victor Rachet.
L’exercice « Documentaire radiophonique » propose aux étudiants de seconde année théâtre de questionner leur rapport au réel en situation de captation. Cette réflexion entre l’être et le lieu considère le langage sonore comme médium de communication.